Quand le conflit à Gaza m'atteint à GenèveQue les choses soient dites : 1) Je n’ai pas besoin de dire que soutiens la population palestinienne et que je condamne la politique du gouvernement israélien, que je pleure les victimes de Gaza et d’ailleurs. Ceux qui ont besoin de le savoir le savent déjà. Depuis longtemps... 2) Je suis juive. Cela fait partie de ma culture. Cela signifie que où que j’aille, dans les périodes où le gouvernement israélien mène une action armée, tout le monde ne me parle que de cela. Où que j’aille. Ce, même si je commence la discussion en racontant mes vacances. Ce, même quand ce n’est pas moi qui commence la discussion. Et seulement lorsque le gouvernement israélien mène une action armée. Jamais à un autre moment.
3) Du point précédent, et aussi parce que je fais des études d’Histoire, découle le fait que je suis pas mal renseignée sur le sujet. Je ne suis pas une spécialiste, mais personne ne m’accusera de partager des informations non vérifiées, que cela soit sur ce conflit, sur une guerre, ou sur la censure à Genève au XVIIIè siècle. 4) J’ai ma famille en Israël. J’y vais souvent. J’y ai pas mal voyagé. J’ai rencontré des gens. Je connais un peu les personnalités, les politiciens, les médias de ce pays. Je sais donc apprécier les propos d’un écrivain, d’un réalisateur ou d’un militant, de même que je peux reconnaître la manipulation. 5) J’aime ce pays. J’aime ce que je ressens quand je vais là-bas. J’aime ce que ce pays m’apporte. J’aime les gens que j’y rencontre. J’aime la mixité que j’y trouve. J’aime l’humour et les sourires à toute épreuve. 6) Compte tenu des points précédents, je ne peux pas, je ne peux tout simplement pas assister sans rien faire, sans rien dire, même si ce n’est « que » sur Facebook ou « que » à Genève, au partage d’informations fausses et biaisées. Informations partagées par des personnes qui, comme moi, sont meurtries face à ce qu’il se passe à Gaza, mais qui partagent aveuglément des vidéos, des propos qui sont détournés, faux, borgnes. Des deux côtés. 7) À chaque fois que j’ai proposé une autre lecture du problème, j’ai fait face à un roc de mauvaise foi. On m’a dit que je mentais. On m’a dit que je prenais parti pour le pire. Ou alors, on m’ignorait. J’ai aussi fait face à une paresse intellectuelle qui malheureusement ne m’étonne plus. Quand je propose un article documenté, sources et faits à l’appui, même l’article le plus modéré et humaniste, ce n’est pas lu. Ignoré. On détourne le regard. Les gens préfèrent les courtes vidéos. Mais seulement si elles leur conviennent. Dernièrement, une personne s’est sentie agressée, alors que je faisais une correction lexicale. Elle venait d’utiliser le terme de « fasciste ». Mais je ne devais pas réagir… 8) Pourtant je continue. 9) Quand je parles des réfugiés palestiniens des autres pays, on me dit que je détourne l’attention. On me dit qu’on ne peut pas défendre tout le monde. On me dit que ce n’est pas un argument valable. Ce n’est pas un argument. C’est une question. Lorsque personne ne bouge pour les palestiniens des autres pays, massacrés, parqués, déportés, je me dis tant pis, encore des victimes du manque d’intérêt occidental. Mais lorsque l’intérêt s’éveille violemment et seulement lorsque ce sont les palestiniens face au seul pays pour les juifs du monde, je ne peux pas m’empêcher de me sentir… bizarre. Ne me donnez pas l’argument du nombre de morts. Vous vous contrediriez. J’essaye de mettre ça sur le compte de la couverture médiatique exceptionnelle de ce conflit. Le sentiment pourtant subsiste. 10) Parce qu’il ne faut pas déconner. Si, où que j’aille, tout le monde m’en parle, c’est pour une seule raison. Parce que je suis juive. Parce que si la moindre de mes paroles est mise en doute, malgré la rigueur que j’essaye de m’imposer, c’est pour une seule raison. Parce que je suis juive. Si les gens voient une connexion entre moi et Israël, c’est pour une seule raison. Parce que je suis juive. Je ne pense pas que « les gens » dont je parle soient antisémites. Mais je ne peux pas m’empêcher de me sentir… bizarre. Je ne suis jamais autant juive que lorsque mon entourage décide d’être pro-palestinien. C’est-à-dire durant les périodes où l’armée israélienne fait preuve de violence. On me renvoie mon judaïsme en pleine poire. À moi, qui d’ordinaire n’y pense que lorsqu’il y a des fêtes avec des sucreries. 11) Je n’ai pas besoin de dire que je soutiens la population palestinienne. En revanche, aujourd’hui, j’ai besoin de partager avec le plus de monde possible une meilleure connaissance de ce conflit. Je ne saurais pas expliquer le drame du Congo. Je ne saurais pas disserter sur les tensions en Centrafrique. Je ne comprends pas encore ce qu’il se passe en Chine au Xinjiang, je ne parle pas de la Tchétchénie et je ne veux même pas savoir à combien de morts on en est en Ukraine (Je ne suis pas tout-à-fait insensible à ce sujet non plus). Pour Israël, je m’efforce, depuis longtemps, à ouvrir les deux yeux. Autour de moi, la majorité se contente à n’en ouvrir qu’un seul, le gauche, du côté du coeur. L’oeil droit, lui, reste fermé et souvent volontairement. Vous savez ce que ça fait? 12) On me demande d’oublier une partie de l’Histoire. De la taire. On me dit que je suis inhumaine si je ne le fais pas. On me dit que rien ne peut excuser. Non. Je suis d’accord. Rien ne peut excuser. Je ne fais pas plus de concessions que vous. 13) On me demande de rester calme là où tout le monde a le droit de hurler. On me demande de ne rien dire face à ce que je ressens profondément soit comme une injustice, soit comme une agression. Alors que tout le monde, y compris ceux qui ne sauraient même pas situer Gaza sur une carte ont le droit de se prononcer. En « spécialistes ». Ou en « humains », comme on me le renvoie souvent au visage, sous-entendant que je ne le suis pas, moi, humaine. 14) Votre partage d’informations biaisées, d’informations fausses, de chronologies détournées me mettent, moi, à court ou à moyen terme, en danger. Là où la connaissance, la lecture, l’intelligence et l’honnêteté intellectuelle sont forcément humanistes, le détournement aveugle d’informations, d’images, de termes, de faits, de propos ou d’intentions ne peut être que destructeur. Pour tout le monde. L’histoire de l’huile et du feu. Du souffle sur des braises qui attendaient. 15) Dangereux de vouloir fermer les yeux sur les actes de l’un des coupables. Dangereux de n’oser en parler, de peur que son petit combat n’en devienne moins pur. Par égoïsme pour son altruisme. Par petite peur d’être moins bien vu. Rien que le fait de le taire, c’est être complice et accepter. Le fait de se taire, c’est ne soutenir les palestiniens de Gaza qu’à moitié. Et si j’avais rêvé? Si le Hamas, tel que je le connais n’existait pas? Et s’il n’était qu’une bande de révolutionnaires qui défendent leur peuple? Alors j’aime un pays vraiment atroce. Un pays auquel on me lie, de façon tout-à-fait logique. Un pays que l’on appelle à disparaître ou à se laisser faire disparaître. Un pays auquel on ne reconnaît aucun ennemi direct mais qui attaque par pure sauvagerie. 16) Mon problème. C’est ce syllogisme terrible. - Pour tout le monde - et à raison - je suis liée à ce pays. - Autour de nous, j’entends « Israël assassin » « mort à Israël » - Si je suis liée à Israël…
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À quoi ça blogue?Quand ça passe par ma tête et que ça persiste assez pour être transmis à la main. Catégories
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