Lia Leveillé
  • ACCUEIL
  • Spectacles
    • Ateliers
  • Cours d'impro
  • Blog
  • Contact et liens

BLOG

Novelmuttum XVI

5/1/2023

1 Commentaire

 
Image

Ce qui est resté coincé entre l'imaginaire et l'expression.



« La chose que je n’arrive pas à dire, on peut ne pas y arriver de bien des manières. » - Samuel Beckett, 1949

​Ce n’est pas la première fois que j’écris quelque chose qui finit par m’arriver un peu plus tard. Comme si mon imagination m’alertait et qu’au lieu de prendre son message comme m’étant destiné, je l’interprétais comme étant une inspiration.

Il me fascine, pourtant, le sujet de ce Novelmuttum. Ce truc qui reste coincé entre ce que tu imagines et ce qui finit par sortir. Et il concerne à la fois la création – tu vois une idée et quand tu essayes de la réaliser elle n’est pas tout-à-fait ce que tu avais vu – et à la fois la vie quotidienne quand tu sais très bien ce que tu aimerais dire mais que ça sort différemment. Tu peux reprendre vingt fois ton ouvrage ou reformuler mille fois ta pensée, un petit quelque chose restera coincé entre l’apparition de ton idée et son expression.

Voilà plus d’un an que j’ai lancé la définition du Novelmuttum XVI (c’était le 25 octobre 2021!) et j’ai depuis essayé à maintes reprises d’écrire le billet qui doit l’accompagner. Sans succès.
J’ai mis en place mes tactiques habituelles : invoquer des exemples à l’extérieur de moi, penser à des faits simples à exprimer, reprendre la définition et la découper, trouver de belles citations pour lancer la machine à écrire mentale… Rien n’a aidé. Ça bloque. Je sais pourtant ce que j’aimerais dire. Mais le dire, je n’y arrive pas. Ironique, non? « Mise en abime » dirait l’autre.

J’en viens à me servir de l’astuce ultime, à n’user qu’avec parcimonie : tout dévoiler et décrire l’élaboration.

J’ai relu les idées que m’ont offertes les personnes qui ont participé à ce Novelmuttum. D’ordinaire, elles suffisent à m’inspirer, elles sont sublimes. Mais là, je n’y arrive pas. Peut-être que j’aime trop ce sujet. Peut-être que j’ai peur de décevoir aussi. Mais décevoir qui?
Parce que ce truc dont on parle dans cette définition, ce bout d’idée qui ne sort pas dans le l’expression, au final, ce n’est pas une question de l’effet sur l’autre. C’est une affaire entre soi et soi. Entre soi et la source de l’idée. Personne d’autre que nous ne peut savoir que ce qui est sorti n’est en fait pas complet. Ou pas tout-à-fait.

Si je ne sais pas quoi écrire, c’est que mille questions m’assaillent auxquelles je ne sais pas répondre, par exemple :
Est-ce que, pour restituer au plus près son idée, il vaudrait la peine de suivre Boileau? « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage » (alerte aux perfectionnistes) ou bien est-ce que c’est foutu d’avance? Il faudrait donc passer à autre chose?
Et si l’idée revient? Entêtante, elle veut être exprimée, « même trop, même mal ». Peut-on passer sa vie à répéter la même idée dans l’espoir que le sens tout entier finisse par se déposer sur elle? Est-ce que c’est le manque de pratique ou de technique qui t’empêche de l’accoucher correctement?

Et si en fait, ça sort mieux? Et si ce « pas tout-à-fait » est un complètement autre chose qui exprime bien ce qu’on voulait mais par un autre chemin? Ou qui exprime autre chose qui nous apparaît nouvellement important?
Et quand ça fonctionne, quand toute l’information est passée, comment l’appellerait-on?
La première qui me répond « Ça dépend » aura un avertissement.
Place alors aux bonhommes dont les citations m’ont inspirées et continuent de le faire :

Alberto Giacometti (1901-1966) : « L’idée de faire une peinture ou une sculpture de la chose telle que je la vois ne m’effleure plus. C’est comprendre pourquoi ça rate que je veux. »

Samuel Beckett (1906-1989): « Essayer encore. Rater encore. Rater mieux encore. Ou mieux plus mal. Rater plus mal encore. Encore plus mal encore. »
​
Place aussi à toutes celles et ceux qui ont pensé et qui ont partagé leurs idées :

Ce qui est resté coincé entre l'imaginaire et l'expression.


Furtang (n. m.)
  • "Oui, mon texte n'était pas mal, mais je n'ai pas réussi à exprimer clairement mon idée. Un furtang y manque, qui contenait quelque chose de plus noble que ce que j'ai écrit…"

Pertexte (n. f.)
  • - M. Dicker, j’avais adoré le pitch de votre prochain roman. Mais ce premier manuscrit me semble avoir subi une pertexte. Je n’ai pas vu dans ses actes la force d’âme de Mme Watts dont vous m’aviez parlé dans ce même bureau, ou trop timidement. 

Point d'interlocution (un-)
  • Mon intervention dans cette improvisation a subi un point d'interlocution. Dans ma tête, le service paraissait pourtant super clair!

Idéception (n. f.)
  • - Oui, c'est ça, c'est ça, mais c'est pas tout-à-fait ça. Grommelait le metteur en scène en faisant des allers-retours entre la 8ème et la 9ème rangée de sièges.
    - C'était pas comme ça qu'il fallait le faire? Demanda, anxieux, le comédien depuis le plateau.
    - Rhâ, mais non, c'est pas toi!
    - Peut-être que dans le texte... Suggéra la comédienne.
    - Non! Trancha le metteur en scène.
    - Je peux bouger la rampe au sol, fit la techniscéniste.
    - La ferme! S'impatienta le metteur en scène.
    - Eh oh, calme-toi, on essaye juste d'aider.
    - Vous ne pouvez pas! Vous ne pouvez pas! Maintenant du calme, je dois décrocher cette idéception.

Fulguination (n. f.)
  • Hier soir j’ai rêvé d’une idée de génie! J’avais qu’une envie le lendemain, c’était de lui donner vie sur papier. Après quelques coups de crayons, je me suis vite rendue compte que ce n’était qu’une fulguination, et qu’elle était plus belle dans ma tête.

Reliquaginatisme (n. m.)
  • À chaque fois que je m’exprime sur toile, mes pinceaux sont pris d’une embolie créative et mon reliquaginatisme bloque mon artère gouachmonaire.

Décidéatif-ve (adj)
Caractère de ce qui n'apparait pas du projet dans le produit final.
  • Reprendre son oeuvre, encore et encore. Affiner le trait, maîtriser le geste, nourrir le regard de la juste palette de lumière, jusqu'à réduire la part décidéative à la plus infime proportion. Son obsession le poussait à la faire disparaître, mais ce peut-il réellement? 

Transphregmatisme (n. f.) 
processus imparfait de transformation d'une abstraction mentale en oeuvre d’art.

Antag : Retrotransphregmatisme (n. f.)
processus imparfait de création d'une abstraction mentale en confrontation à une oeuvre d'art.
  • De quelles partitions sublimes aurions nous encore hérité de Bach sans sa transphregmatisme? De quelles résonances subtiles ses harmonies imprégneraient-elles notre esprit sans notre retrotransphregmatisme?​

​Idésapointade (n. f.)
  • À chaque fois que je réécris cette phrase, je sens qu'elle a été percutée par une idésapointade! Elle est pourtant tellement claire dans ma tête mais rien à faire, il manque tout le temps un morceau de sens.

Merci infiniment à Lionel Perrinjaquet, Marie Yon, Steven Matthews, Lola Gregori, Cédric Annen, Yvan Peperoni et Julie Despriet pour avoir prêté un bout de leur imaginaire!
1 Commentaire
Marion
5/1/2023 14:43:29

Merci à toi de nous avoir fait participer à cette réflexion.

Répondre



Laisser un réponse.

    À quoi ça blogue?

    Quand ça passe par ma tête et que ça persiste assez pour être transmis à la main.
    ​C'est peut-être bête, peut-être drôle, peut-être provoc', peut-être politique, peut-être vrai.

    Catégories

    Tous
    4m2
    Billets
    Confinement
    Écrits Pendant L'Uni
    Écriture Libre
    Novelmuttum
    Yven Yrirvyyr

  • ACCUEIL
  • Spectacles
    • Ateliers
  • Cours d'impro
  • Blog
  • Contact et liens