Lia Leveillé
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Novelmuttum XV

10/19/2021

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La petite boîte de notre mémoire qui renferme les souvenirs sensoriels et mémoriels d'un moment ou d'une période en particulier.


J’ai toujours aimé les étapes, même fabriquées, car elles permettent de faire le point et de repartir avec de nouvelles intentions, de nouvelles motivations, de nouvelles résolutions. Je suis une femme de rentrées, de fins d’années, de fins de périodes. C’est la raison pour laquelle j’aime nouvel an, mais aussi Rosh Hashanah (nouvel an juif)  – qui tombe en général au beau milieu de la rentrée scolaire – et tout ce qui peut s’apparenter à des petits rituels de transition ou d’étape. Je vis intensément les moments d’ouverture et de clôture d’une phase, comme, par exemple, les vacances (« C’est parti, on y est », puis, « Voilà, c’est terminé »), les projets (« Premier jour de répétition », puis, « Déménagement du décor et dernier tour sur le plateau ») et les étapes (« Première fois que je fais ça en étant mère / en ayant déménagé ici / en étant trentenaire… »). C’est pourquoi aussi je m’attache aux petites traditions. Par exemple, avant un voyage, je demande à tout le monde de s’asseoir un moment. C’est une vieille tradition russe. J’ai l’impression qu’elle permet de prendre la mesure du départ, de lui donner une place particulière, ensemble, en tant qu’instant (et accessoirement, de refaire mentalement la liste des choses à ne surtout pas oublier).

​Parfois, des tranches de ma vie apparaissent et je ne me rends compte qu'à cet instant-là qu’elles ont formé, chacune, une période. En relisant quelques lignes d'un livre lu par le passé, il peut arriver qu’un bloc de vie entier émerge, mélange de sensations, d’états intérieurs et d’événements qui se révèle comme une entité. Je peux alors me rappeler « Tiens, c’était une drôle de période » ou « J’allais bien » et ensuite, scruter, dans cet assemblage, les composants qui ont pu, ensemble, former un état. C’est particulièrement intéressant lorsqu’il s’agit d’une période agréable ou de sérénité intérieure, parce que je peux alors scruter les maillons de la chaîne pour tenter de les reproduire et de retrouver un état qui s’en approche.

Les bilans et les tournants sont des ingrédients que j’ajoute volontiers à ma vie. J’ai d’ailleurs, dernièrement, eu du mal à clore une période et je me suis trouvée toute flottante entre un projet dont je n’arrivais pas à circonscrire les contours et l’arrivée de l’été. Résultat : en y repensant, je n’ai pas un ou plusieurs éléments précis qui peuvent me replonger dans l’ambiance du projet. Tout est un peu diffus. (Peu après avoir écrit ces lignes, un ami qui a fait partie de cette période m’a rappelé une chanson qui nous a poursuivi à cette époque, ce qui m’a fait prendre conscience que oui, l’étape s’était bel et bien formée comme un ensemble dans mon esprit.)

Il y a donc une histoire de commencements et de fins de quelque chose. Encore faut-il les percevoir pour délimiter les différentes phases. C’est facile pour les vacances, mais qu’en est-il d’autres périodes qui structurent une existence? Quand est-ce qu’on prend conscience que quelque chose commence ou se termine? Dans La nausée, Jean-Paul Sartre écrit : « Quand on vit, il n’arrive rien. Les décors changent, les gens entrent et sortent, voilà tout. Il n’y a jamais de commencements. » De son côté et plus tard, Italo Calvino écrit : « Nous vivons dans un monde d’histoires qui commencent et ne finissent jamais » (Si par une nuit d’hiver un voyageur, 1979).

Ces deux phrases me parlent, je les comprends, et à la fois, elles me donnent envie d'écarquiller mes sens pour les confronter et guetter les débuts et les fins des histoires qui parsèment ma vie.

Et vous ? Avez-vous parfois la sensation que quelque chose commence sans forcément qu’il y ait un signal clair ? Et à quel moment ressentez-vous qu’un moment de votre vie a été une période mêlant différentes sensations ? Ce sont ces bulles de souvenirs qu’on a essayé de nommer pour ce quinzième Novelmuttum.

La petite boîte de notre mémoire qui renferme les souvenirs sensoriels et mémoriels d'un moment ou d'une période en particulier


Coffre Kinaquatique
  • Quand je passe un bon moment avec un joyeux entourage, je prends toujours un instant pour sentir si un coffre kinaquatique se forme dans ma mémoire et quels seront les éléments qui s'y trouveront.

Saisonrielle (n. f.)
  • Ma saisonrielle de l'automne contient la lumière des jours qui rétrécissent et le rire de ma mère que je quittais à la fin de l'été pour retourner chez moi. Ma mère n'est plus là, mais à chaque retour de l'automne, j'entends son rire qui s'échappe de la saisonrielle.

Carambarlésie (n. m.)
  • Dans mon enfance, j'avais un grand oncle qui m'offrait toujours un carambar quand on lui rendait visite. On l'appelait "Tonton Carambar". Ce sont des souvenirs où l'insouciance berçait notre enfance. Seul le caramel des carambars me rouvre le carambarlésie de mes après-midis chez Tonton Carambar.

Pensinus temporis (science)
  • Nous constatons chez le specimen nostalgique la présence d'un grand nombre de pensini tempori [pluriel] pour différentes époques de sa vie. À l'inverse, se trouve le specimen présentiste qui n'en conserve que quelques-unes.

Souvnibulle (n. f.)
  • C'est une souvnibulle un peu fragile, je ne suis pas sûre que tout ce qu'elle contient soit réel. J'ai sûrement reconstruit certains éléments à partir des récits de mes parents ou des photos de cette période où nous vivions à Rome. Quoi qu'il en soit, elle contient une odeur de passata de tomate à l'origan et la couleur des pierres des bâtiments.

Mélosouvenance (n. f.)
  • La mélosouvenance des vacances au chalet contient l’herbe haute qui me frottait les tibias, l’odeur de la paille au soleil, le son lointain et irrégulier des cloches de vaches… Elle est rarement activée, quoique parfois, quand mes mollets sont chatouillés par des herbes, elle s’ouvre subrepticement.
  • J’ai d’autres mélosouvenances. Celle qui s’active le plus souvent précède la plupart de mes entrées sur scène, lorsque j’entends le murmure du public derrière le rideau et la lumière tamisée, je me revois, enfant, et je ressens mon trac juvénile qui accompagnait mes premières pièces de théâtre.

Frissonir (n. m.)
  • Je suis prise de frissonir quand l’herbe est fraîchement coupée car l’odeur me donne des frissons de plaisir et me transporte directement aux souvenirs des premiers jours des printemps de mon enfance.

Passécrin (n. m.)
  • Quand l’odeur de la soupe frémissante atteignit mes narines, je fus submergé par le courant enivrant d’un passécrin soudainement rouvert.

Nostâline (n. f.)
  • Parfois je suis prise de fulgurances de souvenirs du passé et j’ai ce besoin viscéral de m’imprégner de ma nostâline. Elle me réconforte et m’entoure, engourdit mes angoisses présentes et me rappelle que tout n’a pas toujours été aussi grave.

Capsensule (n. f.)

Sens littéral: une capsule de sens, explosive au contact de certains stimuli.
  • À chaque fois que je visite quelqu’un à l’hôpital, la capsensule de mon appendicite explose, laissant émerger le goût sans saveur des repas, la douleur abdominale, les multiples bruits nocturnes non identifiés, mais aussi la joie des nombreuses visites me faisant passer d’agréables moments dans une ambiance au néon.
  • Une capsensule, c’est comme une bille de citron dont la saveur envahit notre bouche au moment où on la croque.

Estes (n. épicène)
  • L’estes est la boîte qui referme dans la mémoire ce qui a été pendant l'été et qui est toujours en nous dès qu'on ouvre la boite de l'estes. C'est pourquoi elle peut s'appliquer au reste de l'année.
    [Se prononce « estes » avec le « s » final.]

Bonneheure (n. f.)
  • J’aime tant la bonneheure qui renferme la saveur de la reprise des apéros en terrasse ! S’y trouvent les sons des discussions, des rires, des verres qui s’entrechoquent... cette bonneheure se trouve si près de celle de l’arrivée du printemps qu’elles se mélangent parfois.

Pandorinette (n. f.)
  • C'est la chanson "Amours" de Louise Attaque qui provoque le plus souvent l'ouverture de ma pandorinette des stages à Évolène. Surgissent alors les odeurs des fleurs de montagne, des sons d'instruments mal accordés, les petits déjeuners où, faute de pâte à tartiner nous mélangions le cacao en poudre à du beurre.
    Mais je dois me méfier, car la pandorinette d'Évolène me donne envie d'aimer inconditionnellement Louise Attaque, de rappeler toutes les personnes rencontrées alors, de sombrer dans ma naïve affection totale qui m'a tant joué des tours...

[N.B : La particularité de la pandorinette est qu'elle contient, mêlés à de doux souvenirs, le pouvoir de faire sombrer son ou sa porteur·euse dans des travers irraisonnés. À l'instar de son nom à l'apparence innocente, les sentiments doux qu'elle provoque recèlent des pièges. En effet, l'ouverture de la pandorinette peut faire perdre la raison et amener certaines personnes à commettre des actions qu'elles regretteront plus tard.]


Orbance (n. f.)
  • Le problème de cette orbance, c'est qu'elle éclate dès que j'entends la voix de MC Solaar. Parce qu'on écoutait "Hasta la vista" – pas le meilleur de ses morceaux, d'ailleurs – en boucle pendant ce voyage d'études à Barcelone en 2002. N'importe laquelle de ses chansons me ramène immédiatement sur les Ramblas que je découvrais, au musée Mirò, à mes copaines d'alors... Bizarrement, mes séjours ultérieurs à Barcelone ne m'ont jamais fait l'effet inverse.

Boîte noire d'un temps passé (expression)
  • Allons, Calliope, cessez de ressasser
    Sans fin et en vain les boîtes noires passées
    Ces illusions d’un temps qui à jamais n’est plus
    Ces pièges morbides d’un passé révolu.

Cloudiquart (n. m.)
  • - La seule raison, tu m’entends, Anatole ? La seule raison qui me fait accepter ta présence, c’est ce cloudiquart que provoque ta venue dans cette maison. Si ce n’était par respect pour tes parents qui m’ont accueillie quand je fuyais, il y a longtemps que je t’aurais mis à la porte ! Et change de lessive, bon sang ! L’odeur m’attache à toi alors que tout me repousse en toi !

Un immense merci à Cédric Annen, Sandru Shka, Mitch Morin, Anouck Mue L’air, Laetitia Cassard, Julie Despriet, Vincent Buclin, Camille Polier Giacobino, Fabrice Hagmann, Lola Gregori, David Marin, Karim Slama, Kyoshiro Mibu ! Sans le savoir, vous faites ressurgir une souvnibulle de la période de confinement !
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