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Novelmuttum XII

3/24/2021

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Moment où, en faisant ou en disant quelque chose, vous avez le sentiment fulgurant de vous comporter en adulte.


« Grandis un peu ! » m’avait lancé un ex par un bel après-midi parce que je faisais trop l’imbécile à son goût (dans les rues basses, en plein samedi après-midi. Je crois qu’à ce moment-là il voulait déjà rompre.) Grandir, d’accord, a priori je n’avais pas le choix. Mais est-ce qu’il fallait nécessairement arrêter de faire la plouc ? Je ne crois pas que le comportement et l’âge, ou que l’insouciance et l’expérience de vie doivent être alignés. Faut dire que j’ai eu de mauvais exemples autour de moi : des jeunes aux idées fanées, de vieilles dames qui ont dansé sur les tables jusqu’à leur ultime pirouette, de grands intellos un peu clown, des jeunes clowns dépressifs… Alors être adulte, d’accord, mais octroyons-nous un peu de souplesse !

À certains moments très précis, j’ai des fulgurances d’ « adultitude », des moments où je me dis « Là, je fais un truc d’adulte ». Pour ce douzième Novelmuttum, je propose de trouver un nom à ce phénomène.

Adulte, je le suis. Sur le papier, du moins. J’ai dépassé les 30 ans, j’ai terminé des études, j’ai deux enfants, je me suis même mariée ! Tout cela ne m’empêche pas d’avoir des moments où j’ai l’impression d’usurper cette identité de « grande personne ». J’en vis aussi d’autre – ceux que je propose de nommer – où je me sens jouer à la perfection le rôle de mon âge. Ma vie est un va et vient entre les âges. Et je vais bien, je vous l’assure.

Quand j’étais petite, je m’amusais à me projeter dans le « Quand je serai grande ». Une vision, en particulier, me revient : dans cette image, je porte un pantalon blanc en lin, je me trouve dans une cuisine baignée de lumière au mobilier en bois clair et je ris avec un enfant. Si je déconstruis cette image, je me rends compte qu’elle est inspirée par les représentations sur papier glacé des catalogues d’aménagement suédois. Dans une autre image, je me voyais danser comme une dingue, toujours en compagnie d’un enfant. Ma vision de la moi adulte était alors très positive, joyeuse. La moi adulte, je la voyais s’autorisant de la joie et de l’insouciance.

Je ne porte pas de blanc (#TeamVisagePale ), je débarrasse peu à peu mon intérieur de « l’art de vivre à la suédoise »(*) mais il m’arrive effectivement de danser comme une dingue dans mon salon avec mes enfants. Claquement de main à la petite moi ! Mission accomplie !

Je peux toutefois comprendre que ma proposition de nommer ce moment du « Là, je suis adulte », évoque à d’autres des instants où, au contraire, on perd son insouciance. Aussi, je précise : il ne s’agit pas de repenser à la prise de conscience des responsabilités pénibles – impôts, courses, intendance, factures, devoirs, obligations… – et de leur répétition infernale mais bien plutôt de considérer avec malice nos fréquents allers-retours entre nos différents âges. Parce que je crois à l’idée selon laquelle beaucoup de nos tensions intimes sont liées à des dissonances entre ce qu’on avait rêvé être, ce que l’on est, ce que l’on pense représenter, ce qu’on pense devoir représenter…

Par exemple, il m’arrive, lorsque je suis mal à l’aise dans une situation, de constater que mon malaise vient du fait qu’une plus jeune Lia ou, au contraire, une Lia plus vieille a pris la place de la Lia présente et qu’elle ne se sent pas en conformité avec la situation. Je parle souvent de ma veste de tailleur qui, quand je la mets, fait immédiatement surgir une version de moi qui a environ 12 ans et qui aurait chipé sa veste à une vraie adulte. La Lia de 12 ans pense qu’on ne la prend pas au sérieux, qu’on ne peut pas la prendre au sérieux. En général, la prise de conscience suffit à me faire sourire intérieurement et à dédramatiser le moment.

À l’inverse, à 12 ans, une version fantasmée d’une moi adulte venait régulièrement me reprocher mon comportement infantile. « Grandis un peu », me disait-elle... Tiens, c’est drôle…

Un autre truc drôle : enfant, je me suis souvent sentie adulte, ou du moins, plus adulte que ce que mon âge pouvait faire croire. Alors qu’aujourd’hui, je suis surprise lorsque j’ai l’impression d’agir en véritable adulte. En tous cas, en ce que je crois être un truc d’adulte. (Pour les psys au fond de la salle, je concède cette reformulation : à agir comme je crois que mes parents l’auraient fait.)
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Alors oui, ils sont de plus en plus rares, ces moments – peut-être que je deviens adulte malgré tout – cependant, lorsqu’ils surviennent, ils sont les clins d’oeil de ma jeune moi à la moi adulte et ça nous fait toujours autant rire.


(*) J’emprunte l’expression à Alex Lutz et Bruno Sanchez dans un de leur sketches avec « Catherine et Liliane ».

Moment où, en faisant ou en disant quelque chose, vous avez le sentiment fulgurant de vous comporter en adulte.


Postprèse (n. f.)
  • Je dédiai un pot pour réunir la monnaie d’euros en prévision des péages sur la route de nos futures vacances. "Voilà – me dis-je – une postprèse de plus".

Ecoutepetimisation
(n. f.)

  • J’ai dit à Mathis : "Écoute, petit, c'est pas sérieux à 21 ans de ne pas mettre ton clignotant avant de tourner." Et quand je me suis entendu, quand j’ai entendu le début de ma phrase, je fus envahi d’écoutepetimisation.

Crameler
(verbe)

  • En signant pour mon premier bail, je cramelais en pensant à quel point ma vie allait être différente.

Apopédie
(n. f. – relatif à l’état)

  • Niant de toutes ses forces la démangeaison de son dos – faute d'avoir oublié d’éliminer l’étiquette de son nouveau costume – tâchant d'oublier ses pieds qui protestaient contre ses chaussures trop neuves, blottissant lentement ses fesses dans le cuir confortable du fauteuil et portant un regard nouveau sur ce bureau paternel qu'il voyait pour la première fois depuis cet endroit, il vécut sa première apopédie.

Perapopédie
(n. f. – inclut le sentiment de transition)

  • Pour la campagne printemps-été, nous avons pensé cibler les produits de la gamme dont l'achat possède un potentiel perapopédique – rasoirs, préservatifs, serviettes, alcool, produits de luxe – et travailler notre axe de communication sur ce thème. Nous pourrons ainsi nous démarquer de la concurrence et cibler les 15-30 ans.

Instant poivre-et-sel

  • Je voulais lui demander où il avait déniché le vin que nous étions en train de boire mais j'attendis encore un peu car je savais que le simple fait de poser la question établirait un instant poivre-et-sel. "Nous y voilà – me dis-je – nous nous mettons à parler vin et fromage."

Adultitude (n. f.)

  • Quand j’ai réalisé que j’avais préparé la trousse de secours avant de remplir la glacière avec des bières, je me suis dit que ce week-end camping allait être mon premier sous le signe de l’adultitude. À 32 ans, il était temps !

Goldorité
(n. f.)

  • Cela ne me dérangea pas qu'il m'appelle "Monsieur". Au contraire, j'attendais ce moment de goldorité depuis longtemps, moi qui me suis toujours senti enfermé dans un corps trop jeune.

Matuse
(n. f.)

  • Je me forçai à la tutoyer d'entrée de jeu. C'était un véritable effort pour moi. Pourtant, elle ne sembla pas gênée et me répondit avec naturel sur le même mode. Ce fut un instant de matuse. Je compris que j'étais définitivement entrée dans la catégorie “parents d'élève”.

Étanlage
(n. m.)

  • Un instant d'étanlage me saisit lorsque, coincée dans ma veste de tailleur d'occasion, je tendis la main et dis de la manière la plus assurée possible : “Enchantée, je suis Céliane Marguet, c'est moi qui suis en charge de votre dossier.“ À peine quelques mois plus tard, un étanlage de second type vint supplanter le premier lorsque j'entrai dans une boutique spécialisée pour essayer un tailleur neuf. Ainsi, les étanlages se suivent s’étiolent à mesure que s'affirme ma vie, mon image ou, du moins, celle que je pense renvoyer.

Accomplitude
(n. f.)

  • Je l'avais en poche, ce papier ! J'étais allée jusqu'au bout ! Je sortis sur les larges marches du bâtiment et regardai la rue. Avant que l'angoisse du vide que provoquait la fin de mes études ne me rattrape, j'appréciai quelques instants le sentiment d'accomplitude qui me réchauffait le coeur.

Adultance
(n. f.)

  • Mon fils avait beau avoir déjà trois ans, c'est devant ce manège sur la plaine de Plainpalais que l'adultance me rattrapa. J'étais surpris que les autres parents paraissent si bien dans leur rôle alors que je ne me souvenais qu’occasionnellement  que j'étais un adulte.

Un immense merci aux cerveaux adultes et à la malice sans âge de Mitch Morin, Ariane Mawaffo, Yvan Peperoni, David Marin, Magali Baillif, Cedric Annen, Zoé de Rudevent et Guillaume Pi !
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Créé par Sébastien Mettral
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