Lia Leveillé
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Novelmuttum IX

10/13/2020

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Sentiment qui, lorsque quelque chose est annulé, mêle à la fois un peu de tristesse et à la fois un peu de soulagement.


Quand je faisais beaucoup de danse, il m’arrivait d’envier une collègue qui s’était blessée. Je me disais alors qu’il devait être agréable d’être « forcée » de ne pas danser, sans avoir à formuler le besoin de faire une pause. J’enviais celles qui pouvaient rester assises pendant le cours, voire, pour les plus « chanceuses » ne pas venir du tout ! Je ne voulais pas arrêter la danse, ni évidemment me blesser réellement. Je voulais juste pouvoir souffler sans qu’on puisse me taxer d’être une flemmarde ou une lâche. J’étais à cette époque au cœur d’une dynamique dans laquelle je m’interdisais de faillir, de montrer la moindre faiblesse. C’était un système où l’on nous faisait croire que les plus braves seront récompensées. Ce n’était pas vrai, évidemment.

Plus tard – et là c’est beaucoup plus sympa – j’ai expérimenté la dispense sereine. J’étais enceinte et je me suis vue annuler certains rendez-vous ou certaines sorties avec flegme et confort. Ce qui me faisait plaisir n’était pas d’annuler, mais bien de pouvoir le faire pour une raison que je trouvais légitime. Quoi de plus compréhensible qu’une femme enceinte qui décline cette virée en montagne, cette soirée Zumba-Salsa, ce spectacle d’hiver en plein air ou ce déménagement sans ascenseur ? Et quel confort c’était de penser aux autres, douillettement emmitouflée dans un plaid, sur le canapé et ce, sans même s’en vouloir. C’est là le point de départ de ma réflexion sur l’annulation et ses paradoxes.

J’ai autant de peine à prendre la décision de renoncer à quelque chose que de soulagement lorsque le quelque chose disparaît pour une raison qui n’est pas de mon fait. Je parle ici d’événements qui contiennent une charge anxiogène. Il peut s’agir d’une soirée que j’organise et dont la réalisation ne me semble pas prendre la meilleure des directions, ou d’un rendez-vous pour lequel j’ai des appréhensions, d’une prestation dont le contexte me met mal à l’aise ou encore d’une réunion importante mais à fort risque de crise diplomatique. Pourtant, certaines de ces occasions peuvent aussi porter en elles des promesses de beaux moments, de découvertes artistiques, de réconciliations, de rencontres ou de résolutions. Mais la balance entre risques et espoirs est mal équilibrée. C’est pourquoi leur annulation provoque en même temps soulagement et tristesse.

Ce soulagement, je l’aime bien pour ce qu’il raconte de moi. Je voudrais être téméraire, aventureuse, audacieuse, à la limite de l’inconsidérée. Me prouver que je vais jusqu’au bout des choses (alors que, soyons sincères, jusqu’ici je vais surtout jusqu’au bout de mes burn-outs). Mais s’il est une chose que je n’ose pas encore faire, c’est m’arrêter et reculer avant que tout se casse la gueule (« me » casse la gueule ?).

Est-ce mon caractère, mon éducation ou la pression que je pense subir du reste du monde (ersatz de l’adolescence, bien sûr) qui me pousse à rentrer la tête dans les épaules et foncer coûte que coûte ? Ou est-ce plutôt ma répugnance à regretter le temps investi ? Parce qu’il y a de ça aussi. Quand tu as bossé pendant des semaines pour quelque chose et que, voyant que ça ne mène nulle part, tu décides de l’annuler, peux-tu accepter avoir bossé pour… rien ? Combien de fois encore devras-tu te retrouver devant une assemblée clairsemée, peu intéressée, avant d’admettre que tu aurais dû tout annuler ? Est-ce que tu peux encore décemment prétendre que c’est ton excellente gestion de l’échec qui te rend hardie, alors que le simple fait que tu considères ces moments comme étant des échecs en dit déjà long sur ton état d’esprit ? Quand accepteras-tu de ne pas aller jusqu’au bout d’une tâche pour un peu plus de sérénité ? Quand accepteras-tu l’image que ça te renvoie de toi-même ?

Alors que si quelque chose d’autre te libère de ton stress (et de toi-même), tu n’as plus à assumer ce choix et tu peux alors tranquillement observer ta tristesse, sans passer par la case culpabilité.

« Novelmuttum » me soigne un peu de mes névroses. En lisant les propositions des autres personnes, je vois que la définition peut se décliner en nombreuses variations. Au gré des Novelmuttum, les exemples de mes comparses s’étoffent, dévoilant un nuancier étoffé de sentiments et si pour unetelle la définition est mélancolique, pour tel autre elle peut être amusante, à la limite du bonnard.

"Sentiment qui, lorsque quelque chose est annulé, mêle à la fois un peu de tristesse et à la fois un peu de soulagement."​


Acoolnullé
Mot mésinterprété par d’autres participant·es – que nous ne nommerons pas – comme étant un verbe signifiant :
« Annuler quelque chose pour raison de gueule de bois »
  • La note sur la porte disait : « Nous nous voyons obligés d’acoolnuller le début des travaux suite à la fête de départ du chef de chantier ayant eu lieu hier soir. Nous vous tiendrons informés de la date de la reprise. »

Ou encore :
« Action de s’alcooliser suite à l’annulation d’un événement »
  • La sortie scolaire annulée, les éducs s’acoolnullèrent au Rio.

Il fut aussi pris comme adjectif, un peu plus proche de notre définition initiale et pouvant dire « « Être soulagé·e d’une annulation qui permet de soigner sa gueule de bois » :
  • Mon stage de théâtre a été annulé. J’étais acoolnullée puisque ça m’a permis de me remettre de la soirée d’hier.

En réalité, nous avons toutes et tous manqué d’attention. En effet, la graphie du mot proposé cause un effet d’optique et si on l’observe de plus près, on constate que c’est notre esprit dérangé qui y a ajouté un « L » qui ne s’y trouve pas :

Le mot proposé était : AC-OOL-NUL-LÉ  qu’on pourrait découper comme suit : « Ah cool – nullé » et non pas :
AL-COOL-NUL-LÉ qu’on entend volontiers comme : « Alcool – nullé »

Et donc, ce mot, acoolnullée répond tout à fait à la définition du Novelmuttum IX :
  • Je me réjouissais de les voir en concert mais la perspective de me taper un trajet de deux heures pour prendre la pluie dans un champ m’a permis d’être acoolnullé lorsque la programmatrice a reporté le concert.
Cette mise au point terminée, voyons les autres termes proposés :

Pesaile (adj.)
  • Terence se réjouissait de ses vacances avec Ilan. Cependant, quand les vols furent annulés, il ne put s’empêcher d’être pesaile. Au fond, il avait davantage envie de recréer un cocon avec lui, à la maison, plutôt que de parcourir les Cévennes. Ilan, en revanche, semblait très déçu et Terence ne parla pas de son soulagement.

Grévirement (n. m.)
  • Alors qu'Agnès était toute en déception et en frustration, André, lui, ressentit plutôt un grévirement. Quelle poisse, bien sûr, que les cinémas ferment juste avant la sortie de "Maya l'abeille 5 - Rebellion" en 4D IMAX, mais cela voulait aussi dire plus de soirées en tête-à-tête avec Agnès avec la perspective de... d'autres activités ludiques qui se faisaient rares ces temps-ci.

Tristoulagé·e (adj.)
  • Je suis tristoulagée qu’il ne fasse pas beau et que l’on ne puisse pas faire la descente de l’Aar. D’un côté je me réjouissais mais je suis si fatiguée ces temps-ci que c’est une bonne chose que je puisse me reposer.

Frustragement (n. m.)
  • Oui, à chaque fois qu’un truc très prenant est annulé, le frustragement est présent. Frustration, au vu du temps de préparation investi et soulagement, parce que quand même, c’était gonflé de mettre en place ce spectacle à bord d’un avion!

Lavitristé·e (adj.)
  • Lorsque Abyaku apprit qu'au final ses examens n'auraient pas lieu le jour-même mais plutôt le lendemain, elle en fut lavitristée. Bien qu’elle se soit préparée avec attention les semaines précédentes, il n'était pas dit qu'elle se sentait totalement prête. Elle utilisa le temps qui lui restait pour retourner bouquiner en espérant glaner encore quelques connaissances qui lui seraient probablement utiles.

Soulaception (n. f.), Soulaçu·e (adj)
  • Je devais passer mon oral de math, j'étais pas prêt du tout. Et puis avec toutes les mesures anti-coronavirus, on passe finalement les oraux en octobre prochain. Ça fait long, mais je serai prêt. Quelle soulaception !
  • Marie-Ange devait faire un guacamole pour notre soirée vegan. Avec toutes ces histoires sur la culture et le commerce des avocats, elle n'osait pourtant pas en acheter, de peur d'alimenter un commerce malhonnête. Elle est comme ça, Marie-Ange. Alors, quand elle a appris mon accident et l'annulation de notre soirée, elle m'a écrit un message, toute soulaçue. Je lui ai évité un beau tracas.

Exancolique (adj.)
  • - Ç’aurait été bien quand même... et pourtant, un jour de congé c’est pas mal aussi!
    - Tu es si beau quand tu es exancolique !

Contriste (adj.)
  • "Tout de suite, sur nos ondes, le nouvel acte poétique de la rappeuse MotiLène : "Contriste"
« C’est pas contr’ toi
Je suis contriste
Un sentiment minimaliste
T’avais promis encore une fois
Que tu m’garderais dans tes bras
Mais j’me doutais, c’est bien normal
Qu’encore une fois tu m’ferais mal
Alors j’veux pas être alarmiste
Mais ton p’tit tour d’abstentionniste
N’aura aucun effet sur moi
Même si à nouveau t’es pas là
Je ne seras plus que contriste
De mon cœur t’es l’anésthésiste
… »


Lumébrence (n. f.), Lumèbre (adj.)
  • Tout est pour le mieux. Mais comment alors supporter d'être lumèbre ? D’être à la fois lumière et ténèbres ? Comment accepter d'être libéré du plus essentiel des fardeaux ? Comment accueillir la lumébrence? Tout est pour le mieux... Vraiment ?

Déçoufance (n. f.), Déçoufu·e (adj.)
  • Lorsque Eduardo raccrocha, il se sentit fort deçoufu. Alors qu’il avait enfin pu signer un contrat, après de longs mois de recherche d’emploi, et qu’il aurait dû commencer la semaine prochaine, alors qu’enfin il sortait du chômage, voilà, cet appel. Contrat annulé. Covid-38 oblige (y’en a marre de ces virus qui s’enchaînent depuis le début des années 2020). Grosse déception, teintée de colère. Mais derrière cette déception, il sentait poindre la déçoufance. Combien de temps aurait-il pu tenir à vendre des voitures? Lui qui ne se déplace qu’à vélo (mais chut, ça il ne l’avait pas dit...) et qui abhorre tout véhicule à moteur. Ouf, finalement !

Rester ou être moitié-moité (expression)
  • La prochaine réunion de famille n’aura pas lieu : mon oncle a annulé son mariage avec son amie. J'en suis resté, et je le suis toujours, moitié-moitié. Ma famille n’aurait certes pas manqué de me faire des remarques sur la façon dont je mène ma vie. J’aurais eu droit à l’étalage de mes frasques devant tous les invités comme à chaque fois que mes proches ont l’occasion de me mettre le grappin dessus. Bien sûr, je me passais facilement de leur venin mais j’aimais bien Carolina et je me réjouissais qu’elle entre dans la famille.

Merci infiniment à Yvan Peperoni, Simran Singh, Steven Matthews, Mohamed Musadak, Maï Beti Hitomi, Djeemee Gurtner, Cedric Annen, Yannick Rossy, Lyvia Papilloud, Anna-Kat Mörike et David Marin de m'avoir prêté un bout de votre imagination!
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Créé par Sébastien Mettral
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