Parce que dire "je ne suis pas raciste" ne suffit plus.Moments complexes.
J’ai eu beaucoup de peine à m’exprimer. J’ai suivi le partage de ressources et j’ai finalement pris le parti de me taire pour mieux me renseigner. Une chose est certaine : mes tripes et mon coeur sont en vrac. J’aurais voulu savoir le dire, mais j’avais, quelque part, peur d’être hors sujet. Je voulais que l’on sache que je suis contre le racisme et que je soutiens toutes les victimes qu’il cause, alors qu’il est peut-être temps que je remette en question mon engagement. C’est joli de le dire, c’est autre chose de le mettre en action. Il a fallu prendre conscience que ce que je sais de ma soif de justice et de mon non-racisme peut être mal dit, mal formulé. Prendre conscience aussi que quelles que soient les pensées qui circulent dans mon crâne, elles sont malgré tout déterminées par le système dont je suis le produit. Un produit qui peut dire des conneries, qui peut avoir tort, qui peut commettre des maladresses et qui, alors qu’il pense soutenir une cause, contribue en fait à son discrédit. Même si ça me blesse, je dois être capable de l’entendre. Simple question d’humilité et de remise à sa place. Alors, tais-toi et écoute. Peux-tu le faire? Es-tu prête à admettre que ta bonne volonté ne suffit pas? Prête à accepter qu’on te dise que non, tu n’as pas tout compris et que oui, tu peux toi-même faire partie du problème? J’ai décidé de répondre oui à ces questions. Puis, je me suis demandée en quoi, moi, je pouvais être utile. En quoi je pouvais apporter un soutien réel et non superficiel. Quel est, au fond, l’avantage que je peux mettre au profit de la lutte contre le racisme? Je me suis souvenue d’autres causes, d’autres luttes qui m’atteignaient, moi, dans mon être. J’ai vécu la lassitude, le découragement à force de dire, redire et redire et redire encore. J’ai vu des proches s’engager jusqu’à épuisement, jusqu’à débordement. Je peux le comprendre et le ressentir. Je sais à quel point l’engagement peut être destructeur. Surtout quand ta voix est systématiquement discréditée à cause de ton genre, de ta culture, de ton origine ou, dans le contexte actuel, de ta couleur de peau. « Tais-toi et écoute » devrait être la devise – ou du moins le premier pas – de toutes les personnes qui ne sont pas directement atteintes par le fléau raciste. Oser admettre que tu ne sais pas tout. Oser admettre qu’il est des choses que tu ne peux pas comprendre. Que tu n’as pas vécues. Oser accepter que ton engagement est peut-être mal foutu, maladroit ou pire, à côté de la plaque. Sur le racisme, et parce que je suis blanche et privilégiée, je ne suis pas épuisée. Je ne suis pas à bout de forces. Et c’est cela que je peux apporter. Je peux soulager les personnes les plus impliquées et les plus en danger parce que je ne suis pas, moi, en danger. Parce que ma voix n’est pas encore éraillée. Parce que, et c’est bien là le problème, j’ai des chances d’être entendue différemment. J’ai vu les réponses qui minimisent, qui relativisent, qui comparent et qui, incidemment, détruisent. Je ne serai pas de ces voix et je leur répondrai en retour. À l'intérieur, mon coeur et mes tripes sont encore en vrac, mais il n’y a que moi qui le sait. Il est grand temps que j’incarne la lutte, que je l’incorpore et que je me déclare à l'extérieur. Je prêterai mon oreille, parce que dans ce contexte, c’est à moi d’écouter sans remettre en question, de croire sans suspicion ni préjugés. Je tendrai mon bras, pour soutenir et arc-bouter ma force à celles et ceux qui vacillent, pour les aider à continuer d’avancer. J’offrirai ma voix pour relayer celles qui s’éraillent, pour clamer les combats tels qu’ils sont formulés par les victimes du racisme. Et s’il le faut, je lèverai mon doigt bien haut, parce que même s’il est mal vu et frêle, il ne laissera aucun doute sur ce que je pense d’un système qui exacerbe les inégalités.
2 Commentaires
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À quoi ça blogue?Quand ça passe par ma tête et que ça persiste assez pour être transmis à la main. Catégories
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