J'ai été en même temps mère et étudiante. Et c'était... voir ci-dessousQuand on a la chance de partager avec son fils le retour des bouquins à la BGE ou les rendez-vous avec les profs, quand, avec la crèche, il vient faire une sortie aux Bastions alors qu’on fait une pause dans le parc entre deux chapitres sur les guerres de religion, quand il s’exclame fièrement devant les éducatrices « c’est l’écoille de maman et papa ! », quand en plus on a 25 ans et qu’on n’a pas connu d’autre façon d’étudier qu’en étant mère en même temps, on se sent portée par un mode de vie absolument étonnant et excitant. Au cours de mes études, j’ai eu l’immense privilège de récolter des perles, des mots de la part des personnes qui m’ont, d’abord, vue enceinte. Entre le bienveillant « Je te filerai mes notes » et le surprenant « Enceinte et étudiante ? Vous n’y arriverez jamais ! », un tas de réactions de diverses intentions m’ont accompagnées, tout le monde ayant, évidemment, son mot à dire. Mais point d’amertume ici, parlons de la réalité (qui est, avouons-le, pas mal éloignée de l’imaginaire torturé de ceux qui pensaient à mon bien)... Maman et étudiante, non, ces rôles ne sont pas incompatibles.Difficiles à concilier, certes, mais ils s’apportent l’un à l’autre un soutien et une complémentarité hors pair.
Raconter mon expérience, celle d’une mère de 25 ans qui arrive en fin de master, c’est, d’une part, pointer les difficultés qu’on peut rencontrer en étant parent universitaire, mais surtout démontrer à quel point ce n’est pas une fatalité, une mission impossible ou une vie pavée de sacrifices. Quelques précisions toutefois s’imposent : je parle en mon nom uniquement. Il ne s’agit pas de brandir un étendard au nom de tous les jeunes parents qui poursuivent leurs études. De plus, j’étudie en Lettres et je suis bien consciente que si j’étudiais dans une autre faculté mon discours serait différent. Enfin, ce n’est pas une tribune pour promouvoir quoi que ce soit. C’est juste un témoignage que j’écris volontairement de façon un peu décalée. Toujours est-il que le choix de mes études a, apparemment pour certains, justifié mon choix d’être mère : - Ah c’est bien, en Lettres, vous avez peu de cours, vous bossez beaucoup à la maison ! - La maison ? L’espace fermé dans lequel braille un enfant,là ? D’accord, c’est vrai. Le peu d’heures permet d’être plus souvent à la maison, de s’occuper du bambin et puis bon, hein, comme on dit, un nourrisson,ça dort 20 heures sur 24… Enfin… c’est seulement ce qu’on dit, parce que visiblement, le mien n’était au départ pas tellement prêt à rentrer dans les chiffres ! Alors on s’imagine très vite de nouveaux modes d’apprentissage (les fiches, plus simple à manipuler d’une seule main qu’un bouquin), de révision (écouter les cours enregistrés en portant l’enfant en écharpe), d’écriture (en allaitant, on garde une main libre et les tympans intacts !). On s’organise : plus de séminaires et d’examens avant l’accouchement, moins après. - Mais… Tu peux lire avec un enfant ? - Oui, c’est assez dingue, tu peux même parler avec, jouer avec et écouter de la musique ! Puis, les études avancent, deviennent plus exigeantes, tandis que l’enfant grandit. Ça tombe assez bien parce que la période 100% fusionnelle se calme un peu. Gentiment, il est devenu naturel de se diviser véritablement entre ces rôles. Ce partage a été une découverte pour toute la gestion et l’organisation de mon temps. Quand j’étais à l’Uni, je profitais de m’y plonger entièrement, quand j’étais avec mon fils, je ne pensais plus du tout à mes cours. J’évacuais totalement et, le soir venu, l’enfant endormi, je relisais mes notes de façon plus efficaces qu’auparavant. - Madame, je serai absente la semaine prochaine parce que… - … Parce que vous avez un enfant ? - Heu… Non… un rendez-vous au travail… Cette double vie impliquait – et implique toujours – beaucoup d’organisation. Une bonne gestion du temps et la rentabilisation de celui-ci. Pendant l’une des siestes, j’ai juste le temps de lire correctement un article. Repousser à plus tard ? Impossible ! Et s’il ne se rendormait pas pour la sieste suivante ? Mon fils a réussi là où mes parents et tous mes profs avaient échoué : me motiver à faire les choses le mieux possible et au moment où j’ai décidé de les faire. Refaire un travail signifie devoir prendre encore une fois le temps, trouver ce temps. Donc, autant réussir du premier coup. Le petit nous a ajouté une sacrée dose de motivation. On a appris aussi à négocier pour se partager les périodes de révision et de sortie. (Je bosse mardi mon attest’ de contemporain, tu bosses mercredi ton truc d’informatique, là, comme ça mardi soir tu peux sortir, et mercredi, c’est moi qui sort.) - Tu es toujours avec le père ? - Tu poserais cette question à une mère de 30 ans ? Le père, étudiant aussi, suit la même transformation méthodologique. Les collégiens pantouflards que nous étions sommes devenus des élèves appliqués et consciencieux (on faisait vraiment des fiches de révision !) et aujourd’hui, je crois bien que les réussites que j’ai connues durant mes études universitaires, je les dois à cette organisation nécessaire ; et que le plaisir que j’ai dans mes études, je le doit à cette faculté magique qui m’a appris à « switcher » totalement entre « mode cours » et« mode maman ». Sans rire, si vous savez évacuer totalement les leçons lorsque vous vous reposez, vous y revenez vraiment avec plaisir. - Oh s’il te plaît, Arthur, dis bonjour au Monsieur !!! La plus grosse des difficultés concerne les démarches administratives, les rendez-vous avec certains profs et les imprévus qui nécessitent une rapide mise au point en colère et en personne dans divers services de l’Université. Et comme, à mon immatriculation, j’ai tiré le ticket « on va pas te rater », et qu’en plus une partie de mes cours avaient lieu à Lausanne (« - Mais comment tu vas faire pour les trajets ?!? – Je pense que je vais prendre le train. »), j’ai eu droit à quelques surprises assez régulièrement, soit chaque début et fin de semestre. Mais, au final, si j’écrivais un billet d’humeur sur l’administration en Lettres, que je sois maman ou non, ce serait pareil. Hormis la poussette. - Oh c’est cool, tu vas être exonérée des taxes et avoir une place à la crèche de l’Uni ! - Oui, c’est pour ça que je fais un enfant, pour l’exonération. Et d’ailleurs… Non en fait. Pas d’exonération (trop jeunes, salaires trop bas, donc les parents aident, donc salaires trop élevés, donc pas d’exonération), pas de place en crèche (« Mais vous êtes même pas assistante ? ») et tiens, tant qu’on y est, même pas de congé (un bête problème administratif, vous savez, le fameux ticket gagnant…). L’enfant grandit encore un peu, va à la crèche. On grandit aussi,finalement, on apprend, on évolue. Les études, aussi, grandissent. On a quand même un peu l’impression d’être des guerriers, mon homme et moi, d’avoir fait nos preuves avant de se rendre compte que c’est totalement idiot. C’est peut-être pas toujours facile, mais les choses s’organisent naturellement. On s’amuse du regard compatissant des gens, lorsqu’on annonce que nous sommes parents et on a envie de leur crier « On a un enfant, pas une maladie ! » Moralement, est-ce que nous aurions aussi bien traversé les quelques tracas fondamentalement liés aux études, est-ce que nous aurions aussi bien résisté au stress si nous n’avions pas une graine de clown à la maison ? Je n’en suis pas sûre. - Il va falloir commencer à l’écrire, ce mémoire ! - Oui, justement, (Arthur, touche pas à l’agrafeuse !), je voulais vous présenter le plan. - Il est propre ? - Hein ? Quoi ? - Votre fils, il porte encore des couches ? - Heu… Non… Donc mon plan… Il y a beaucoup de personnes qui m’ont fait rire par leurs remarques mais il y a aussi beaucoup de personnes qui m’ont touchée, ou qui ont tout simplement été normales. Parce qu’au fond, les lolettes dans les poches et les cahiers gribouillés mis à part, mes études se déroulent tout-à-fait normalement. Il n’y avait aucune raison de s’inquiéter pour moi. Au mois de septembre, Arthur va aussi avoir une rentrée des classes. On sera donc tous les trois « à l’écoille ». Aussi incongrue qu’elle puisse paraître, cette situation nous amuse beaucoup. Depuis qu’il est né, il nous entend réviser nos cours, répéter nos exposés. Il a suivi ce semestre mes révisions sur les bandits du XVIIIè siècle. J’ai dû lui expliquer qu’il pourrait raconter tout ça à ses copains de classe, mais que probablement, la maîtresse n’évoquera pas le sujet tout de suite. Il se réjouit de pouvoir, plus tard, aller à « l’Univertisé ». J’ai les espoirs, attentes et inquiétudes des étudiants J’ai les espoirs, attentes et inquiétudes des parents Et je vais bien ! Et vous, c’est quoi l’autre partie de votre vie ?
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À quoi ça blogue?Quand ça passe par ma tête et que ça persiste assez pour être transmis à la main. Catégories
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