Lia Leveillé
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Novelmuttum X

11/9/2020

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Tristesse ou déception de ne pas se réjouir / ne pas vouloir quelque chose


Je parlais dernièrement avec quelqu’un des Novelmuttum. À la recherche d’une nouvelle définition, je demandais : « Comment on pourrait appeler ce moment où, alors que tu regardes quelqu’un dans les yeux, tu sens que tu « entres » littéralement dans son regard? ». Je l’avoue, c’était aussi un moyen de vérifier que je ne rêvais pas ce phénomène, qui, chez moi, se ressent par la vue, mais aussi l’ouïe. Je crois percevoir une sorte de son continu, grave et sourd dans ces moments-là. Un son qui est précédé par un discret entrechoc, comme celui qui se produit lorsqu’on rapproche deux aimants. Alors que je m’empêtrais, comme maintenant, dans ma description, mon interlocuteur m’interrompit et me demanda : « Et le mystère, alors? ».

Cette question… Cette question m’ennuie beaucoup parce que je comprends ce qu’il a voulu dire et que je suis – il faut l’admettre – un peu d’accord avec l’objection qu’il y a derrière. (Au fait, comment on appelle ce pincement qui survient quand on sait que l’autre à raison mais que ça ne nous arrange pas ?)

Mais donc bon. Oui, d’accord, je vois ce que tu veux dire. Si on donne un nom à tout, est-ce qu’on ne perd pas un peu de mystère, un peu de secret personnel et l’impression de vivre quelque chose d’unique ? On perd peut-être aussi l’espoir d’avoir partagé furtivement cette fulgurance avec l’autre. Un espoir qu’on pourrait vouloir garder suspendu, sans le définir. Avec cette remarque, il m’a fait apercevoir une limite à mes expérimentations vocabulaires. « Et le mystère, alors ? » En donnant un nom à tout, est-ce que je ne risque pas de faire disparaître, en les nommant, de petites merveilles furtives ? J’utilise à dessein le terme « furtives », en faisant le lien avec l’ouvrage éponyme d’Alain Damasio, où l’invisible meurt s’il est vu. (J’en profite pour recommander ce formidable roman d’anticipation : Les Furtifs, Alain Damasio, édition La Volte.)

J’ajoute à ta réflexion une autre question : est-ce qu’on aime ne pas tout comprendre ? C’est une question un peu provocatrice au regard des événements de cette année. Est-ce que l’on aime ne pas comprendre ? Et puis, si l’on part du principe que l’on aime l’implicite, une troisième question surgit : est-ce que le fait de nommer les chose les désenchante ?

Je suis capable de faire tourner ces questions à l’infini et d’y apporter des réponses contradictoire en fonction de l’heure ou de la saison. Mais ce qui m’intéresse le plus, c’est de les partager avec d’autres et d’en discuter. De s’en disputer. De s’en opposer et de s’y retrouver. Et c’est finalement ça, ma réponse : la chose qui me fascine le plus c’est le lien que l’on tisse en se trouvant des micro points communs. Chercher avec d’autres l’échange autour de ces questions inutiles et belles. Précisément parce qu’inutiles. Et je manque de discussions inutiles, en ce moment. Gravement.
​

Alors le mystère, oui, j’y tiens, bien sûr mais aujourd’hui, en ces temps où les discussions se crispent en tentant d’être importantes là où, avouons-le, nous nous perdons la plupart du temps en conjectures, je rêverais d’entamer avec n’importe qui une discussion sur n’importe quoi.

​Je botte donc en touche et préfère penser à ce qui nous lie. Ce qui est, en soit, un véritable progrès puisque d’ordinaire, je me serais réfugiée dans un cynisme glaçant, cynisme qui sape non seulement nos joies mais aussi notre capacité à nous réjouir.

Tristesse ou déception de ne pas se réjouir / ne pas vouloir quelque chose


Patchoute (adj. inv.)
  • C’est mal fait quand même. Petite, je me promettais de me goinfrer de bonbons quand je serais adulte. Aujourd’hui, je suis adulte et je n’en ai même pas tant envie. Rien de grave, mais parfois ça me rend patchoute.

Décépense (n.f.)
  • Je sais bien que je vais m’amuser pendant ces vacances, mais quelque part, je préférerais rester tranquillement chez moi. Je n’ose pas avouer à mes amis la décépense que je ressens quand je les vois s’enthousiasmer dans leurs préparatifs.

Savoltique (adj.)
  • "Mais si, Germain ! Je t'assure que je trouve super qu'on parte ensemble! Fais pas attention à moi. Ça doit être la fatigue qui me rend savoltique. Je me réjouirais beaucoup plus ouvertement en temps normal."

Lassijoie (n.f.) ; Lassijoyeux.se.x (adj.)
  • Je me suis longtemps réjoui de débuter ma carrière de pâtissier, de faire tous les jours mes gâteaux préférés. Maintenant que je les fais pour les autres et non plus pour moi, je ressens une profonde lassijoie chaque matin.
  • Te lever tous les matins pour aller à l'école, pour apprendre le métier d'enseignant, pour ensuite te lever tous les matins pour aller à l'école. Toute ta vie. Y'a des jours tu dois être un peu lassijoyeux...

Pamaver (verbe)
  • Quand je parle avec Romain, je pamave tellement de jamais avoir aimé les maths et la physique! J'aurais adoré aimer ça!

Unexpérer (verbe)
  • J’ai tellement eu de déceptions face à l’absence de réponse à mes postulations que je ne me projette plus du tout. Et même si cette fois-ci on me propose un entretien, j’unexpère la suite!

Achiallonner (verbe pronominal)
  • Lucien s’achiallonnait de ne plus apprécier les repas de sa mère. Il songeait à espacer ses visites pour retrouver l’émerveillement de l’enfance face à l’osso bucco traditionnel.

Adulter (verbe pronominal)
  • Il faut que je me rende à l'évidence, malgré tous mes efforts, j'ai fini par m'adulter et me contenter d'une vie pauvre en émotions... Où sont passés mes songes insensés de changer le monde?

Arrêver (verbe pronominal)
  • Je parle à l'enfante que je fus et lui demande pardon de l'adulte que je suis, qui s'est emprisonnée dans un monde où l’on s'arrêve silencieusement malgré nos promesses d'antan.

Fleûh (n. m.)
  • Elle l'a aimé en secret des années durant mais maintenant qu'elle le voit tous les jours, le fleûh s'est insinué en elle. Elle n'arrive même plus à se réjouir de le voir, à se motiver un élan de séduction quand il est à côté, ni même à rêvasser en regardant dans sa direction.

​Efferdescente (n. f.)
  • C'est le soir. Je rentre chez moi après une longue journée de travail. Les quelques rayons de soleil qui percent encore les nuages avant que l'astre-roi ne dispense ses bienfaits de l'autre côté de l'univers caressent mon visage et me disent que la journée est bel et bien terminée et avec elle, tous les soucis et les tracas, les imprévus, la course, les retards, le brouhaha incessant, le cri des enfants, la sonnerie du téléphone, les mauvaises odeurs, etc. Place au repos, au repas avec la famille, les ami.e.x.s, le petit apéro au bord du lac ou de ce petit manège qui vient d'ouvrir. Place surtout à la chaleur et la douceur de mon lit. Je m'assieds dans le véhicule qui me ramène à la maison. 
    Ça n’aura duré qu’une seconde. Bientôt, j'entends des dizaines de travailleu.s.e.x.s tout autant perclus.e.x.s de fatigue que moi dans l'expectative de leurs plaisirs post contraintes professionnelles. S'entame alors dans mon esprit, mon corps et mon âme cette efferdescente que je ne connais que trop bien : je suis incapable de penser à autre chose si ce n'est à demain, aux soucis et aux tracas, les imprévus, la course... Tout recommencera demain, et le jour d'après, et le jour suivant... jusqu'à ce que... Je ferme les yeux.

Aflatigué.e.x
  • « Allô ? Ah salut. Non, ça va. Le Zoom de 14h ? Non, je n’ai pas oublié. Oui, ça va être sympa de revoir vos bouilles. Non, je ne tire pas la gueule, je suis juste aflatiguée après toutes ces annulations, alors vous voir à travers un écran ne me fait pas bondir de joie. Oui, je sais, ça fait longtemps qu’on ne s’est pas revu. Je regrette, vraiment je regrette de ne pas être plus impatiente. »​

Ce Novelmuttum a donné lieu en plus à une analyse psycho-sociale de la part de David Marin, analyse que je partage ici avec vous :
« Je pense qu'il s'agit d'un sentiment « neghâtif / neghâtive ». Si après un événement qui a été au-delà de ce qu'il était légitime d'en espérer provoque le sentiment d'être déçu en bien, il pourrait aussi générer – à l'avance – le sentiment contraire, la négation fatale d'une réjouissance qui ne viendra pas : une « réjouissance interrompue » comme une gaudere interruptus. Et comme aujourd'hui on ne se réjouit plus, mais on a « hâte », la « leatos interruptus » est la négation anticipée de la hâte elle-même: c'est pourquoi elle est néghâtive. »
  • Je ne retrouverais pas ma capacité d'enfance à m'extasier au moindre cotillon. Tout me semblait être une fête et il suffisait de pas grand-chose pour qu'un peu de musique se transforme dans mon esprit en bal fastueux. Alors, tu vois, je suis neghâtive de fêter mon anniversaire maintenant. Je n'ai plus cette force d'imagination.


​Merci à Anouck Mue L’air, Cedric Annen, Djeemee Gurtner, David Marin, Marou Jev, Magali Baillif, Nina Deppe, Maï Beti Hitomi, Yvan Peperoni d’avoir participé à ce dixième Novelmuttum !
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