Quelques mots pour mes enfants... et pour me relire quand le confinement aura eu raison de moi.Entre parents, on se fait souvent cette blague de fin de vacances - Ça va toi ? Comprenez : « Je me réjouis que les enfants retournent à l’école/à la crèche ! » De manière générale, on fait cette blague loin des oreilles desdits enfants, à la fin d’une période de cohabitation intensive... Depuis que l’annonce de la fermeture des écoles a été faite, je vois partout sur les réseaux sociaux fleurir des blagues usant du même ressort. Alors que la période de confinement commence à peine en Suisse.
Soyons honnêtes. La situation va être compliquée, éprouvante. Certaines familles vont traverser des moments de tension et de crispation. Je pense très fort aux familles monoparentales, parce qu’avoir un enfant est une mission qui peut vous plonger dans un véritable état de détresse, de solitude et de désemparement même quand on est un binôme pour s’en charger alors je n’ose pas imaginer ce que ça doit être quand on est seul·e. Or, les blagues dont je parle ne prennent pas du tout cela en compte. Leur but n’est pas de sensibiliser à ces situations dramatiques et dont on ne parle toujours pas assez. Les traits d’esprit ne font que s’amuser du fait que nous, parents, ne sommes vraiment content·e·s que lorsqu’on on n’est pas avec nos enfants. La fameuse « liberté » qu’on est censé·e·s regretter. Je n’ai évidemment rien contre les blagues de manière générale, sauf que depuis un peu plus de dix ans, elles se diffusent à large échelle et non plus seulement entre potes ou connaissances. Maintenant, on peut en faire profiter des centaines de contacts, les contacts des contacts, des contacts croisés ici ou là et quelques inconnu·e·s lisant notre fil par hasard. La portée nous échappe et ce qui était un clin d’œil entendu – et potentiellement de mauvais goût – est devenu une pancarte largement diffusée et diffusable plus loin. Nos blagues de parents nous permettent de faire descendre la pression et dédramatiser dans un climat de confiance et de bienveillance. Les encarts Facebookéens ou Instagrameux, eux, se répètent, se propagent, se partagent sans que l’on sache quels yeux connectés à quels cerveaux vont finir dessus. Et personnellement, ça me met mal à l’aise. Étant donné que tout reste, tout s’archive et tout ressurgit sur internet, je tiens à partager ce qui suit : je ne veux pas que mes enfants puissent ressentir, ne serait-ce qu’une seconde que je redoute de me retrouver à plein temps avec eux pendant un mois ou plus. L’épidémie me fait peur pour les plus fragiles d’entre nous, mais je n’ai pas peur de passer du temps avec mes enfants. Nous, adultes, on fait des blagues. Nous, parents, on ironise mais on ne dit pas tout le reste. Parce qu’on a peur d’ennuyer avec nos ébahissements et nos mièvreries. Parce qu’on pense que ça n’intéresse personne. Parce qu’on ne veut pas être celle ou celui qui fait voir « la photo du bébé ». Alors qu’en fait, je dois vous le dire, mon fils aîné est la personne qui me fait le plus réfléchir et gamberger avec ses questions sur le monde et en défiant mes principes et mes croyances. Quant à mon fils cadet, il est la personne qui me fait le plus rire quotidiennement. Il est vrai aussi qu’ils ont tous les deux et chacun individuellement la capacité de me mettre hors de moi. D’ailleurs, nous fonctionnons dans ce domaine sur un principe de réciprocité totale (je sais que je les exaspère). Mais il existe aussi une inquiétude véritable – dont on parle plus rarement, à demi-voix – de ne pas être assez présent·e auprès de nos enfants. De ressentir qu’on manque des moments importants. Et on va sûrement aller mieux de ce côté-là très bientôt. Arrêtons un peu d’être cyniques ! Parce que ça n’aidera pas, ni eux, ni nous-mêmes. La blague de « Vivement la rentrée » se fait en fin de vacances. Si on la sort maintenant, alors que commence la période de confinement, on est psychologiquement mal barré·e·s. Je frise moi-même volontiers avec les limites de l’humour, j’ai un humour qui peut être atrocement cynique mais je le réserve à un cercle si restreint d’ami·e·s qu’on aurait même le droit de tenir réunion en Autriche. Je ne peux pas m’attendre à ce que mes enfants ressentent, ces prochains mois, la joie de passer du temps à la maison avec nous s’ils m’entendent dire partout que mon plus grand problème avec l’épidémie, c’est d’être obligée de passer plus de temps avec eux. Comment pourrais-je les convaincre – et me convaincre – que la situation peut être excitante, intéressante et enthousiasmante ? Que c’est l’occasion rêvée de jouer ensemble, de lire ensemble, d’apprendre ensemble ? Qu’on se découvrira sûrement de nouveaux centres d’intérêts, peut-être de nouveaux hobbys, que maman se passionnera peut-être même enfin pour la cuisine ? Ce qui va être dur, ce ne sera pas de devoir relire 1'000 fois le même livre, de résister à l’attrait de la télévision, de chercher de nouvelles activités, d’encaisser les frustration des uns et des autres. Le plus dur sera de ne faire « que » ça. De ne pas aller travailler, de ne pas voir autant ses ami·e·s, de ne pas pouvoir pratiquer son métier, sa passion, de s’inquiéter pour ses proches. Ça oui, ça va être très difficile. Tant pour les enfants que pour les adultes. J’espère que c’est justement le temps passé en famille qui va aider à surmonter tout cela
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À quoi ça blogue?Quand ça passe par ma tête et que ça persiste assez pour être transmis à la main. Catégories
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