Sensation que l'on éprouve quand la déception de ne pas voir se réaliser l'un de ses désirs est immédiatement remplacée par une joie encore plus grande, face à ce qui a remplacé notre désir initial.La force de ce truc, quand même... Du plus loin qu'il m'en souvienne (merci, Barbara), j'ai toujours aimé jouer avec les mots. Par ailleurs j'ai aussi toujours été persuadée que les sentiments et sensations que nous pouvions ressentir étaient plus nombreux qui les mots qui les désignaient. Dans la torpeur du confinement, l'envie de partager sur Facebook ces deux choses a donné naissance au « Novelmuttum ». Juste comme ça, pour voir. Je pensais simplement m’occuper. Une fois, deux fois et maintenant sept fois, des ami·es ont joué avec moi avec les mots. Avec joie, je me suis mise à mettre en forme chaque nouvelle définition avec les inventions des un·es et des autres, les agrémentant d’exemples qui étaient souvent fournis par leurs inventeur·ices et ajoutant quelques propositions de mon cru. Avec le "déconfinement" (encore un vocable ajouté depuis peu à notre lexique) et le redémarrage d’une vie sociale qui m’avait manquée, plusieurs personnes m’ont parlé des « Novelmuttum », me disant les avoir lus sans forcément avoir participé. Beaucoup m’ont dit avoir apprécié l’idée de donner un mot à ces petites portions de vie qui, si elles n’arrivent pas souvent, ne sont pas pour autant insignifiantes. J'ai eu le bonheur de voir se confirmer mon intuition : nous partageons des micro-émotions, spécifiques à des instants rares avec d’autres êtres humains. En plus de l’amusement provoqué par l’exercice, les mots des un·es et des autres ouvrent une petite fenêtre sur l’âme de leurs auteur·ices. On ressent, selon les étymologies invoquées, les sonorités proposées ou les assemblages de mots si le sentiment que je propose de nommer est ressenti comme quelque chose de plutôt positif ou de plutôt négatif ; un onguent ou une pique. Si je réfléchis un peu plus grand, ces mots établissent un code commun qui, par-delà les mots existants, nous donne l’opportunité de nous comprendre, de nous entendre vraiment. Une sorte d’Esperanto de l’âme. Par deux fois, les définitions – véritables points de départ de chaque nouveau « Novelmuttum » – m’ont été proposée par quelqu’un·e d’autre. Ainsi, la définition du Novelmuttum VII m’a été proposée par Cédric Maurouard, que j’ai rencontré lors d’un stage professionnel d’improvisation théâtrale et avec lequel j’ai partagé la scène à l’occasion du spectacle issu du même stage (et imaginé par l’étonnant Laurent Mazé, que je salue au passage). Cédric me racontait l’histoire d’un enfant qui attendait avec impatience le retour des courses de sa maman car il pensait qu’elle aurait acheté un poulet rôti. Or, ce n’était pas le cas, ce qui causa la déception du bonhomme. Une déception cependant rapidement remplacée par une grande réjouissance : à la place du poulet rôti, ce sont des brochettes de poulet thym/citron qui se trouvaient dans le sac de courses ! En plus de mon admiration causée par la précision des goûts gastronomiques de ce garçon, son sentiment a trouvé une résonance en moi. Je proposai donc immédiatement sur Facebook une définition de ce sentiment de réjouissance qui suit immédiatement une petite déception et rapidement, il s’est avéré que plusieurs grandes personnes partageaient ce sentiment avec l’enfant de l’histoire. J’ai lu avec attention les différents mots et exemples proposés et une réflexion plus philosophique que linguistique s’est mise en place. Si ce truc-là peut être nommé, encore faut-il être dans une disposition psychique qui permette de l’accepter. Accepter de surmonter une déception n’est ni inné ni toujours possible. Lorsque la tristesse est trop grande, ou lorsque l’état psychologique est trop affaibli, ou lorsque l’orgueil prend le dessus, on peut peiner à tourner la page de la déception. Je me souviens du jour de mes trente ans. On avait prévu un repas en famille le soir-même. Durant la journée, en revanche, rien de spécial ne se profilait. J’accorde peut-être une importance trop grande à mes anniversaires et j’étais triste de la banalité de la journée. Le soir, suite à des manigances fomentées par ma famille, mon mari, mes ami·es et au terme de mille rebondissements provoquant tour à tour inquiétude, énervement et sarcasmes de ma part, je me retrouvai dans les studios de l’association Bartdak, accueillie par une trentaine d’ami·es de tous horizons. Je me souviens que le switch d’humeur et la « Flampsha » (l’un des termes proposés pour définir cette sensation) n’ont eu aucune peine à s’effectuer. Je sais aussi, en revanche, que dans d’autres circonstances, mon caractère bien trempé aurait résisté et j’aurais tout fait pour maintenir une humeur dégueulasse, au détriment des autres et avant tout de moi-même. Ce n’est pas toujours évident d’accepter de pardonner ou de renverser son humeur, surtout lorsqu’on croit (croyance, croyance) avoir raison d’être fâché·e/déçu·e. En le nommant, je gage que j’aurai plus de facilité à l’avenir à accepter le « Frustrépatement » (un autre terme proposé) et donc, à apprendre à nettoyer mon humeur des adhérences négatives de mon esprit mélancolique et trop prompt à se placer en souffrance. Accueillir le phénomène défini comme suit : Novelmuttum VII" Sensation que l'on éprouve quand la déception de ne pas voir se réaliser l'un de ses désirs est immédiatement remplacée par une joie encore plus grande, face à ce qui a remplacé notre désir initial." NB : le parler helvétique comporte toutes sortes d’expressions savoureuses, dont une qui permet de définir ce rebond d’émotion : « Être déçu·e en mieux / en bien ».
· Flampsha (n. f.)
· Frustrépatement (n. m.)
· Ondajoie (n. f.)
· Mitigâme (n. m.)
· Amplijaillement (n. m.)
· Desapartant (n. m.)
· Calatine (n. f.)
· Paletaffe (n. f.)
Merci à Cédric Chapô Maurouard pour la définition, ainsi qu’à Djeemee Gurtner, Giovanni JT Cirasa et Marou Jev pour vos jolies propositions !
1 Commentaire
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À quoi ça blogue?Quand ça passe par ma tête et que ça persiste assez pour être transmis à la main. Catégories
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