S'entretenir avec soi-même quand on est indépendante.J’ai réussi à décrocher un entretien avec ma cheffe. Ça faisait longtemps que je n’arrivais pas à trouver le temps de m’asseoir face à elle plus de cinq minutes.
Il a fallu que j’y mette tous mes efforts mais j’ai réussi à lui dire qu’en ce moment, je ne suis pas au mieux de ma forme physique et morale et que je me sens un peu dépassée. En prenant des pincettes, je lui ai présenté ma to-do list et lui ai expliqué que je n’arrive plus à remplir certaines de ses exigences. Finalement, je lui avoue que je suis un peu démotivée et découragée. - Depuis combien de temps? - Je dirais deux mois... avec déjà quelques avertissements en août. - Je n’ai rien vu. - Je n’ai rien montré. - Pourquoi? - Parce que... Parce que dès que je montre des signes de fatigue, tes exigences augmentent. C’est systématique. Plus je faiblis, plus tu remplis le schéma heuristique qui nous sert de to-do list et tes attentes sont de plus en plus élevées. - On essaye simplement d’être à la hauteur. - Mais à la hauteur de quoi? De qui? De quelle sorte de fantasme? - De ce qu’on attend de nous. - Qui? - Ben... nous, je crois. Au fil de la discussion, nous nous rendons compte de tout ce que nous nous sommes imposé et qui ne relève ni de l’urgence, ni de la nécessité. On s’ajoute des choses à faire au nom d’une obligation chimérique. Pire : on revêt ces choses-là d'une urgence et d'un stress qu’elles ne portent pas en-dehors de nous. - Tu comprends, j’ai peur que sans pression, nous ne nous ramollissions. - Quel mal à ça? - Nous devons être exemplaires, brillantes, continuer d’avancer. - Sauf qu’en remplissant le temps, je crois qu’on a perdu de vue ce qui nous importe réellement. Pourquoi chaque impulsion doit-elle forcément devenir un projet? On avance – on galope même – vers un imaginaire rempli d’inconnues. Un imaginaire qui n’a d’autre réalité que le temps qu’il me prend et la frustration qu’il génère. - Justement! Je te pousse à continuer par égard au temps déjà investi! Imagine tel projet pour lequel tu as déjà envoyé nombre de mails et rappels, pour lequel tu as déjà écrit quelque chose, pour lequel tu as mobilisé des forces! Je ne veux pas que tu "regrettes le temps investi" (http://www.lialeveille.ch/blog/novelmuttum-ix) - Je crois qu'il y a plus urgent à soigner que le regret du temps investi... - Bon. Peut-être qu’on peut déjà voir ce qui risque de ne pas avoir lieu. Ce pour quoi il ne sert à rien de prendre du temps et du stress aujourd’hui. Alors, on s’est amusées à remplir une matrice d’Eisenhower (« Toi qui adores les schémas! »). À définir ce qu’on voulait faire, ce qu’on pouvait faire et ce qui était important non pour les autres, non pour l’idéal irrationnel que nous nous étions forgé, mais pour nous. À ce moment-là, elle s’est mise à effacer les bulles de la to-do list, à agrandir celles qu’on n’osait assumer. Elle me dit qu’elle essayerait de me laisser souffler un peu. Faire une pause. Il faudrait que l’on se revoie plus souvent, elle n’est pas si mauvaise que ça, ma cheffe. Elle est simplement comme moi : elle a des angoisses et a besoin de se sentir utile. Vis ma vis d’indépendante...
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À quoi ça blogue?Quand ça passe par ma tête et que ça persiste assez pour être transmis à la main. Catégories
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